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Des parfums qui ont du chien

L’expression « parfum de niche » n’a jamais si bien porté son nom. La marque Dolce & Gabbana lance ces jours-ci Fefé, un parfum pour chien dans un flacon en verre laqué de couleur verte et orné d’une empreinte plaquée or 24 carats (99 € les 100 ml).
Il y a eu un précurseur : Oh my Dog !, parfum qui avait défrayé la chronique en 2000. Imaginé par Etienne de Swardt, le créateur de la marque d’auteur décalée et subversive Etat libre d’Orange, à qui l’on doit les parfums Sécrétions magnifiques ou Vierges et toreros, ce produit a surtout connu un succès au Japon. L’initiative, qui ne manquait pas d’humour, n’avait, à l’époque, pas été suivie par la concurrence.
Hermès a bien mis sur le marché un shampooing naturel pour chien, agréablement parfumé par le nez maison, Christine Nagel, mais sans vraiment communiquer dessus. Par peur peut-être du mélange des genres. Même chose chez Aesop avec son gel lavant doux, vendu en duo avec un gel douche parfumé pour le maître.
La maison de luxe italienne a pensé Fefé avec les mêmes exigences qu’un parfum pour enfants – faiblement concentré, à 3 %, et sans alcool – et testé scientifiquement. Mieux, le parfum a été approuvé par un panel de chiens réuni à Elven (Morbihan) par la société Diana Pet Food. « Mais nous voulions que le maître aussi, dans une relation symbiotique, ait envie de porter le parfum de son animal », ajoute Emilie Coppermann, qui a imaginé cette brume parfumée autour d’un accord ylang-ylang, bois de santal et musc. Il fait surtout l’objet d’un lancement mondialisé digne de La vie est belle ou de La Petite Robe noire, et a même droit à son égérie : le caniche de Domenico Dolce et de son compagnon, Guilherme Siqueira.
Bien que le marché du soin et de la beauté pour animaux de compagnie soit en plein essor – 20 milliards de dollars en 2024, il devrait atteindre 24 milliards d’ici à 2029 –, la rentabilité d’un tel projet est tout sauf certaine. Il y a en réalité une autre motivation derrière l’investissement de Dolce & Gabbana. « Une marque qui développe un parfum pour l’animal est immédiatement perçue comme porteuse de valeurs positives telles que l’altruisme et la bienveillance », analyse Vincent Grégoire, qui dirige le cahier Life & Style de l’agence NellyRodi. C’est un peu comme la gamelle devant le restaurant étoilé. « Le message subliminal est le suivant, poursuit-il : s’ils prêtent attention à mon animal, ils feront tout pour me satisfaire, moi. »
L’animal sert à donner à voir la meilleure version de soi-même, alors lui offrir un parfum de créateur, comme un collier de la collection Dog Lovers signée Pharrell Williams pour Louis Vuitton, c’est montrer sa grandeur d’âme. Ce phénomène n’en est probablement qu’à ses débuts ; l’industrie du parfum étant assez suiviste, il y a fort à parier qu’un autre parfum canin sera prochainement lancé par une marque de luxe concurrente. Et pourquoi pas Dior, qui avait innové en 1952 avec un flacon en verre dépoli en forme de chien à l’effigie de Bobby, le bichon de Christian Dior ?
Lionel Paillès
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